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Page:Daudet - Contes du lundi, Lemerre, 1880.djvu/86

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air animé et des frétillements de nattes qu’on ne leur connaissait pas.

Alors M. de Schwanthaler, d’une voix triomphante :

« Regardez-la, cette folle de Française ! elle sonne huit heures, et elle en marque trois ! »

Cela fit beaucoup rire tout le monde, et, malgré l’heure avancée, ces messieurs se lancèrent à corps perdu dans des théories philosophiques et des considérations interminables sur la légèreté du peuple français. Personne ne pensait plus à s’en aller, on n’entendit même pas sonner au cadran de Polymnie ce terrible coup de dix heures qui dispersait d’ordinaire toute la société. La grande pendule n’y comprenait rien. Elle n’avait jamais tant vu de gaieté dans la maison de Schwanthaler, ni du monde au salon si tard. Le diable c’est que lorsque les demoiselles de Schwanthaler furent rentrées dans leur chambre, elles se sentirent l’estomac creusé par la veille et le rire, comme des envies de souper ; et la sentimentale Minna, elle-même, disait en s’étirant les bras :

« Ah ! je mangerais bien une patte de homard. »