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DE LA GAIETÉ, MES ENFANTS, DE LA GAIETÉ !


Une fois remontée, la pendule de Bougival reprit sa vie déréglée, ses habitudes de dissipation. On avait commencé par rire de ses lubies ; mais, peu à peu, à force d’entendre ce joli timbre qui sonnait à tort et à travers, la grave maison de Schwanthaler perdit le respect du temps et prit les jours avec une aimable insouciance. On ne songea plus qu’à s’amuser ; la vie paraissait si courte, maintenant que toutes les heures étaient confondues ! Ce fut un bouleversement général. Plus de sermon, plus d’études ! Un besoin de bruit, d’agitation. Mendelssohn et Schumann semblèrent trop monotones : on les remplaça par la Grande Duchesse, le Petit Faust, et ces demoiselles tapaient, sautaient, et l’illustre docteur-professeur, pris lui aussi d’une sorte de vertige, ne se lassait pas de dire : « De la gaieté, mes enfants, de la gaieté !… » Quant à la grande horloge, il n’en fut plus question. Ces demoiselles avaient arrêté le balancier, prétextant qu’il les empêchait de dormir, et la maison s’en alla toute au caprice du cadran désheuré.