Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/157

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comme l’argent file. Toute la journée je ne fais qu’ouvrir mon guichet devant les demandes de monsieur Georges. C’est toujours à moi qu’il s’adresse parce que chez son banquier ça se verrait trop, tandis qu’à la caisse l’argent va, vient, entre, sort… Mais gare l’inventaire !… Ils seront jolis leurs comptes de fin d’année… Ce qu’il y a de plus fort, c’est que Risler aîné ne veut rien entendre. Je l’ai prévenu plusieurs fois : « Prends garde, monsieur Georges fait des folies pour cette femme… » Ou il s’en va en haussant les épaules, ou bien il me répond que cela ne le regarde pas et que Fromont jeune est le maître. Vraiment ce serait à croire… ce serait à croire…

Le caissier n’acheva pas sa phrase, mais son silence fut gros de pensées dissimulées.

La vieille fille était consternée ; mais, comme la plupart des femmes en pareil cas, au lieu de chercher un remède au mal, elle s’égarait dans une foule de regrets, de suppositions, de lamentations rétrospectives… Quel malheur de n’avoir pas su cela plus tôt, quand ils avaient encore les Chèbe pour voisins. Madame Chèbe était une personne si honorable. On aurait pu s’entendre avec elle pour qu’elle surveillât Sidonie, qu’elle lui parlât sérieusement.

– Au fait, c’est une idée, interrompit Sigismond… Vous devriez aller rue du Mail prévenir les parents. J’avais d’abord pensé à écrire au petit Frantz… Il a toujours eu beaucoup d’influence sur son frère, et lui seul au monde pourrait lui dire certaines choses… Mais Frantz est si loin… Et puis ce serait si terrible