Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

circulaire dont les quatre fenêtres regardaient des paysages différents, était meublé pour les siestes d’été, pour les heures chaudes où l’on cherche un refuge contre le soleil et les bourdonnements du jardin. Un large divan très bas en faisait le tour. Une petite table de laque très basse aussi traînait au milieu, chargée de numéros dépareillés de journaux mondains.

Les tentures étaient fraîches, et les dessins de la perse – des oiseaux volant parmi des roseaux bleuâtres – faisaient bien l’effet d’un rêve d’été, une image légère flottant devant les yeux qui se ferment. Les stores abaissés, la natte étendue sur le parquet, le jasmin de Virginie qui s’entrelaçait au dehors tout le long du treillage, entretenaient une grande fraîcheur accrue par le bruit voisin de la rivière sans cesse remuée et l’éclaboussement de ses petites vagues sur la berge.

Sidonie, sitôt entrée, s’assit en renvoyant sa longue jupe blanche, qui s’abattit comme une tombée de neige au bas du divan ; et les yeux clairs, la bouche souriante, penchant un peu sa petite tête dont le nœud de côté augmentait encore la mutinerie capricieuse, elle attendit.

Frantz, très pâle, restait debout, regardant autour de lui. Puis, au bout d’un moment :

– Je vous fais mon compliment, madame, dit-il, vous vous entendez au confortable.

Et tout de suite, comme s’il avait craint que, prise de si loin, la conversation n’arrivât pas assez vite où il voulait l’amener, il reprit brutalement :

– À qui devez-vous tout ce luxe ?… Est-ce à votre mari ou à votre amant ?