Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/211

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à écouter ce Georges qui me poursuivait depuis longtemps, à changer ma vie, à la faire bruyante, agitée. Mais, je vous le jure, Frantz, dans ce tourbillon de plaisir où je m’emportais, je n’ai jamais cessé de penser à vous, et si quelqu’un avait le droit de venir ici me demander compte de ma conduite, certes ce n’était pas vous, qui, sans le vouloir, m’avez faite ce que je suis…

Elle se tut… Frantz n’osait plus lever les yeux sur elle. Depuis un moment il la trouvait trop belle, trop désirable. C’était la femme de son frère ! Il n’osait pas parler non plus. Le malheureux sentait que l’ancienne passion se réinstallait despotiquement dans son cœur, et que maintenant regards, paroles, tout ce qui jaillirait de lui serait amour.

Et c’était la femme de son frère !…

– Ah, malheureux, malheureux que nous sommes, dit le pauvre justicier en se laissant tomber à côté d’elle sur le divan.

Ces quelques mots étaient déjà une lâcheté, un commencement d’abandon, comme si la destinée en se montrant si cruelle lui avait ôté la force de se défendre. Sidonie avait posé sa main sur la sienne : « Frantz… Frantz » et ils restaient là l’un contre l’autre, silencieux et brûlants, bercés par la romance de madame Dobson qui leur arrivait par bouffées à travers les massifs :

Ton amour c’est ma folie,
Hélas ! je n’en puis guéri i i i r !…