Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/295

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

préoccupations cruelles et stériles, que le cri d’alarme du petit homme bleu retentit tout à coup dans le bruit du vent :

« L’échéance !… l’échéance !… »

Le malheureux ! Dans sa colère, il n’y avait plus songé. Et pourtant il la voyait venir depuis longtemps cette terrible fin de janvier. Que de fois, entre deux rendez-vous, alors que sa pensée, libre une minute de Sidonie, revenait aux affaires, à la réalité de la vie, que de fois il s’était dit : « Ce jour-là, c’est la débâcle ! » Mais, comme tous ceux qui vivent dans le délire de l’ivresse, sa lâcheté lui faisait croire qu’il était trop tard pour rien réparer, et il repartait plus vite et plus fort dans sa route mauvaise, pour oublier, pour s’étourdir.

À cette heure, il n’y avait plus moyen de s’étourdir. Il voyait son désastre clairement, jusqu’au fond ; et la figure sèche et sérieuse de Sigismond Planus se dressait devant lui avec ses traits taillés à coups de couteau, dont nulle expression ne corrigeait la roideur, et ses yeux clairs de Suisse-Allemand qui, depuis quelque temps, le poursuivaient d’un si impassible regard… Eh bien ! non, non, il ne les avait pas, ces cent mille francs, et il ne savait où les prendre. Depuis six mois, pour subvenir aux fantaisies ruineuses de sa maîtresse, il avait beaucoup joué, perdu des sommes énormes. Par là-dessus la faillite d’un banquier, un inventaire pitoyable… Il ne lui restait plus rien que la fabrique, et dans quel état ! Où aller à présent, et que faire ?

Ce qui quelques heures auparavant lui semblait un