Voici ce qui s’était passé :
Fromont jeune, en rentrant le soir, avait trouvé à sa femme une physionomie si navrée, si changée, qu’il devina tout de suite une catastrophe. Seulement, il était si bien fait depuis deux ans à l’impunité de sa trahison, qu’il ne lui vint pas une minute à l’esprit que sa femme pût être informée de sa conduite. Claire, de son côté, pour ne pas l’accabler, eut la générosité de ne parler que de Savigny.
– Grand-père n’a pas voulu, lui dit-elle. Le malheureux pâlit affreusement.
– Je suis perdu… Je suis perdu… répéta-t-il deux ou trois fois avec l’égarement de la fièvre.
Et ses nuits d’insomnie, une terrible et dernière scène qu’il venait d’avoir avec Sidonie pour l’empêcher de donner cette fête à la veille de la ruine, le refus de M. Gardinois, tous ces bouleversements qui se tenaient l’un l’autre et l’avaient agité tour à tour, se résumèrent dans une vraie crise de nerfs. Claire eut pitié de lui, le fit coucher, et s’installa près de son lit. Elle essaya de lui parler, de le remonter ; mais sa voix n’avait plus cet accent de tendresse qui apaise et qui persuade. Il y avait dans ses gestes, dans la façon dont elle relevait l’oreiller sous la tête du malade, dont elle lui préparait une potion calmante, une indifférence, un détachement singulier.
– Mais je t’ai ruinée ! lui disait Georges de temps en temps, comme pour secouer cette froideur qui le gênait.
Elle avait un beau geste dédaigneux… Ah ! s’il ne lui avait que fait cela !