Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/373

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– Elle n’a plus écrit ?

– Non…, plus du tout.

– Mais enfin, tu dois avoir des nouvelles. Qu’est-ce qu’elle a fait pendant ces six mois ? Est-ce qu’elle vit avec ses parents ?

– Non.

Risler pâlit. Il espérait que Sidonie serait retournée près de sa mère, qu’elle aurait travaillé comme lui, pour oublier et expier. Il avait pensé souvent que, d’après ce qu’il apprendrait d’elle quand il aurait le droit d’en parler, il réglerait sa vie future, et dans un de ces avenirs lointains qui ont l’indécision du rêve, il se voyait parfois s’exilant avec les Chèbe au fond de quelque pays bien ignoré où rien ne lui rappellerait la honte passée. Ce n’était pas un projet, certes, mais cela vivait au fond de son esprit comme un espoir et ce besoin qu’ont tous les êtres de se reprendre au bonheur.

– Est-ce qu’elle est à Paris ?… demanda-t-il après quelques instants de réflexion.

– Non… Elle est partie il y a trois mois. On ne sait pas où elle est allée.

Sigismond n’ajouta pas qu’elle était partie avec son Cazaboni dont elle portait le nom maintenant, qu’ils couraient ensemble les villes de province, que sa mère était désolée, ne la voyait plus et n’avait plus de ses nouvelles que par Delobelle. Sigismond ne crut devoir rien dire de tout cela, et après son dernier mot :

« Elle est partie », il se tut.

Risler, de son côté, n’osait plus rien demander.