Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Georges était très occupé, et que la mort de son oncle, en lui laissant la direction de la fabrique, lui avait créé une responsabilité au dessus de ses forces… Mais ne pas écrire un mot !

De la fenêtre du palier où elle avait repris ses stations silencieuses, car elle s’était arrangée pour ne plus retourner chez mademoiselle Le Mire, la petite Chèbe cherchait à apercevoir son amoureux, guettait ses allées et venues dans les cours, les bâtiments et le soir, à l’heure du train de Savigny, le regardait monter en voiture pour aller rejoindre sa tante et sa cousine, qui passaient les premiers mois de leur deuil chez le grand-père, à la campagne.

Tout cela l’agitait, l’effrayait, et surtout la proximité de la fabrique rendait l’éloignement de Georges encore plus sensible. Dire qu’en appelant un peut haut elle aurait pu le faire se tourner vers elle ! Dire qu’il n’y avait qu’un mur qui les séparait ! Et pourtant, à ce moment-là, ils étaient bien loin l’un de l’autre.

Vous rappelez-vous, petite Chèbe, ce triste soir d’hiver où le bon Risler entra chez vos parents avec une figure extraordinaire en disant : « Grandes nouvelles ».

Grandes nouvelles, en effet. Georges Fromont venait de lui apprendre que, conformément aux dernières volontés de son oncle, il allait épouser sa cousine Claire, et que décidément, ne pouvant pas conduire la fabrique tout seul, il était résolu à le prendre pour associé, en donnant à la maison la raison sociale de FROMONT JEUNE ET RISLER AÎNÉ.