Page:Daudet - Jack, I.djvu/159

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voir quelque chose ; mais là le mystère était le même. Constant attendait une lettre de madame. Elle savait seulement qu’on avait définitivement rompu avec « bon ami, » qu’on quitterait le boulevard et que le mobilier serait probablement vendu.

— Ah ! monsieur Moronval, ajoutait le vigoureux factotum, c’est un grand malheur que nous ayons mis le pied dans votre baraque.

Le mulâtre revint au gymnase, convaincu qu’au prochain trimestre on lui retirerait le petit Jack, ou que lui-même serait forcé de le renvoyer faute de paiement. Il en résulta pour lui, comme pour toute l’institution du reste, que le jeune de Barancy n’étant plus utile à ménager, il convenait de prendre une revanche de toutes les platitudes dont on l’entourait depuis un an.

Cela commença de haut, à la table du maître, où Jack s’assit désormais, non-seulement l’égal, mais le jouet et le martyr des autres. Plus de vin, plus de gâteaux.

« L’églantine, » comme tout le monde, « l’églantine » saumâtre, douceâtre et trouble, aussi chargée de corps étrangers et de mousse malsaine que les eaux d’une crue. Et tout le temps des regards haineux, des allusions blessantes.

On affectait de parler de d’Argenton devant lui. C’était un faux poëte, égoïste, vaniteux. Quant à sa noblesse, on savait à quoi s’en tenir, et les grands cor-