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Page:Daudet - Jack, I.djvu/197

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qui se perdait là-bas au fond dans le noir, était silencieuse et déserte à peu près. Les rares passants marchaient sans bruit sur la terre détrempée, couverte de flaques d’eau ; l’on abordait sans les voir des ombres muettes glissant le long de palissades, allant à des besognes mystérieuses, et comme pour faire l’espace plus grand, le silence plus effrayant encore, de temps en temps, dans les cours des usines désertes, des chiens aboyaient longuement.

Jack était ému. Chaque pas qu’il faisait l’éloignait de Paris, de son bruit, de ses lumières, l’enfonçait plus profondément dans la nuit et le silence. En ce moment il arrivait à la dernière masure ; une échoppe de marchand de vins encore éclairée et barrant le chemin d’une longue bande lumineuse qui semblait à l’enfant la limite du monde habité.

Après, venait l’inconnu, l’ombre.

Il hésita longtemps avant de s’y lancer :

— Si j’entrais là pour demander ma route, se disait-il en regardant dans la boutique. Malheureusement, il n’avait pas un sou dans sa poche… Le patron ronflait, assis à son comptoir. Autour d’une petite table boiteuse, deux hommes et une femme buvaient accoudés et causant à voix basse. Au bruit que fit l’enfant en poussant la porte entre-bâillée, ils levèrent la tête et regardèrent. Ils avaient des visages sinistres, hâves et terribles, de ces visages comme Jack en avait vu le matin dans les postes quand on cherchait Mâdou.