Page:Daudet - Jack, I.djvu/36

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si la danse les agitait déjà, ces deux petits souliers roses brodés d’argent qui entraînaient sa mère loin, bien loin de lui, à des bals où on n’emmène pas les enfants. Au dernier tintement des grelots, il rentra, tout désœuvré, et pour la première fois de sa vie inquiet de cet abandon où il se trouvait presque tous les soirs.

Quand madame de Barancy dînait dehors, Jack restait confié à mademoiselle Constant.

— Elle dînera avec toi, disait la mère.

On mettait deux couverts dans la salle à manger, que l’enfant trouvait bien grande ces jours-là ; mais, le plus souvent, Constant, qui se divertissait fort peu de ce tête-à-tête avec le gamin, descendait leurs deux couverts à la cuisine, et l’on dînait dans le sous-sol en compagnie des autres domestiques.

Une vraie bombance.

Le gâchis se montrait là dans toute l’abondance de la table tachée de graisse et la gaieté désordonnée des convives. Naturellement, le factotum présidait et ne se gênait pas pour égayer l’assistance des aventures de sa maîtresse, à mots couverts pourtant, et de façon à ne pas effaroucher le petit.

Ce soir-là il y eut dans le sous-sol une grande discussion à propos du refus éprouvé à Vaugirard. Augustin, le cocher, déclara que c’était tant mieux, que ces gens-là auraient fait de l’enfant « un jésuite, un tartuffe. »

Mademoiselle Constant protesta contre le mot. Elle