Page:Daudet - Jack, I.djvu/37

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ne « faisait pas sa religion, » c’est vrai, mais elle ne voulait pas qu’on en dît du mal. Alors la discussion tourna, au grand désappointement de Jack, qui écoutait de toutes ses petites oreilles, espérant toujours apprendre pourquoi ce prêtre, qui paraissait si bon, n’avait pas voulu de lui.

Pour le moment, il n’était plus question de Jack ni de sa mère, mais des convictions religieuses de chacun. Le cocher Augustin, après boire, en avait d’assez singulières… Son bon Dieu, à lui, c’était le soleil… Il n’en connaissait pas d’autre…

— J’suis comme les éléphants, j’adore le soleil !… répétait-il sans cesse avec une obstination d’ivrogne.

À la fin, on lui demanda où il avait vu ça que les éléphants adoraient le soleil.

— J’ai vu ça, une fois, sur une photographie ! dit-il d’un air majestueusement abruti.

Sur quoi mademoiselle Constant le traita d’impie et d’athée, pendant que la cuisinière, une grosse Picarde, pleine d’astuce paysanne, leur répétait à tous les deux :

— Écoutaî, vous avaî tort… Faut pas discutaî la craîance…

Et Jack ?… Que faisait-il pendant ce temps-là ?

Tout au bout de la table, alourdi par l’atmosphère des fourneaux et l’interminable discussion de ces brutes, il s’endormait le visage appuyé sur son bras, et ses boucles blondes répandues sur sa manche de ve-