Page:Daudet - Jack, I.djvu/55

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se donner une contenance, il allongea un coup de pied au petit nègre, qui disparut sans rien dire, en emportant son seau à charbon.

La porte s’ouvrit de nouveau pour laisser entrer deux personnages.

L’un très laid, grisonnant, à figure chafouine et sans barbe, les yeux ornés de lunettes à verres convexes, et boutonné jusqu’au menton dans une vieille redingote qui portait sur ses revers toutes les traces de sa maladresse de myope.

C’était le docteur Hirsch, professeur de mathématiques et de sciences naturelles.

Il exhalait une forte odeur d’alcali, et, grâce à toutes sortes de manipulations chimiques, ses doigts étaient multicolores, jaunes, verts, bleus, rouges.

Le dernier entré faisait avec ce fantoche un singulier contraste.

Assez beau garçon, tenu avec un soin rigoureux, ganté de clair, ses cheveux prétentieusement rejetés en arrière, comme pour agrandir un front interminable, il avait le regard distrait, dédaigneux ; et sa forte moustache blonde, très cosmétiquée, sa face large et pâle, lui donnaient l’air d’un mousquetaire malade.

Moronval le présenta comme « notre grand poète Amaury d’Argenton, professeur de littérature. »

Lui aussi, devant les pièces d’or, eut le même mouvement de stupeur que le docteur Hirsch et le chanteur Labassindre. Son œil froid fut traversé d’un