Page:Daudet - Jack, II.djvu/102

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Un petit homme nerveux et sec, en manches de chemise, trois galons d’or à sa casquette, interpella Jack et Roudic, dont la barque venait de se ranger au long du steamer. À peine si l’on entendait ses paroles dans le tumulte de l’encombrement de la dernière heure ; mais ses gestes paraissaient éloquents. C’était Blanchet, le mécanicien-chef, que ses hommes appelaient « le Moco »[1]. Aussitôt que le vacarme des bagages qu’on engouffrait dans la cale ouverte lui permit de se faire entendre :

— Arrivez donc, coquin de bon sort ! cria-t-il avec un terrible accent du Midi… J’ai cru que vous alliez me laisser en plan.

— C’est ma faute, mon vieux, dit Roudic… Je voulais accompagner le petit gas, et je n’étais pas libre hier.

— Boufre ! Il est de taille, ton petit gas. Nous serons obligés de le plier en quatre pour le coucher dans la cabine des chauffeurs… Allons, zou ! descendons vite, je vais l’installer.

Ils prirent un petit escalier tout en cuivre, qui tournait avec une rampe étroite, puis un autre escalier sans rampe, raide comme une échelle, puis encore un, puis encore un autre.

  1. La marine française se divise en deux grandes races : les Moco et les Ponantais, Bretagne et Provence, gens du Nord et gens du Midi.