Page:Daudet - Jack, II.djvu/103

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Jack, qui n’avait jamais vu de « transatlantique, » était stupéfait de la grandeur, de la profondeur de celui-ci. On descendait dans un abîme où les yeux, qui venaient de la grande lueur du jour, ne distinguaient ni les êtres, ni les objets. Il faisait nuit, une nuit de mine, éclairée de fanaux accrochés, étouffée d’un manque d’air et d’une chaleur croissante. Une dernière échelle, descendue à tâtons, les conduisit dans la chambre aux machines, véritable étuve qu’une chaleur mouillée et lourde, mêlée à une forte odeur d’huile, emplissait d’une atmosphère insupportable, d’une buée flottante au-dessus de laquelle, à trois ou quatre étages plus haut, apparaissait dans le carré d’un soupirail le bleu du ciel.

Une grande activité régnait là. Les mécaniciens, les aides, les élèves, allaient, venaient, passaient une revue générale de la machine, s’assurant si toutes les pièces étaient exactes et libres dans leur jeu. On venait de finir le plein des chaudières, et déjà elles tiraient et grondaient furieusement. Le fer, le cuivre, la fonte, astiqués d’huile bouillante, luisaient, étincelaient ; et l’extrême propreté des engins leur donnait une apparence plus féroce, comme si ces poignées qui brûlaient — à leur contact — même les mains enveloppées d’étoupe, ces pistons incandescents, ces boutons remués avec des crocs de fer brillaient de tout le feu qu’ils absorbaient. Jack regardait curieusement la formidable bête. Il en avait vu bien d’autres à Indret ;