moins solennelle, mais encore plus luisante. D’ailleurs, qu’on l’appelât « monsieur Jack, » ou « ma vieille, » ou « mon brave, » ou « mon garçon ; » qu’on fut méprisant, indifférent ou bienveillant pour lui, tout était parfaitement égal à ce déclassé, qui se tenait à l’écart, un bout de pipe aux dents, endormi, hébété, écoutant sans les entendre ces criailleries littéraires dont son jeune âge avait été bercé. Ses deux mois d’hôpital, ses trois ans d’alcool et de chambre de chauffe, et le bouleversement de la fin lui avaient causé un ahurissement, une fatigue, le besoin de ne plus parler, de ne plus bouger, de laisser fuir et s’éteindre dans la tranquillité du silence les colères de la mer mêlées au grondement des machines qui bourdonnaient encore au fond de son cerveau comme le bruit de la lame au fond d’un coquillage.
— « Il est abruti… » disait quelquefois d’Argenton. Non, mais somnolent, muet, sans volonté, tout au bien-être de l’immobilité du sol et du calme de l’air. Il ne retrouvait un peu de vie que seul avec sa mère, dans les rares après-midi où le poëte s’absentait. Alors il se rapprochait d’elle, se ranimait à ses bavardages d’oiseau, à ses petits mots de tendresse. Seulement, il aimait mieux l’écouter que de parler lui-même. Sa voix lui faisait aux oreilles un murmure délicieux, comme celui des premières abeilles, l’été, dans la saison du miel.
Un jour qu’ils étaient ainsi tous les deux, il se ré-