Page:Daudet - Jack, II.djvu/177

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Cécile, les fleurs divines avaient monté tout droit dans une âme limpide où des regards un peu clairvoyants les auraient facilement découvertes. Chez Jack, elles s’étaient arrêtées dans les vases bourbeuses, parmi des plantes inextricables enroulées autour d’elles comme des liens qui les empêchaient de grandir. Mais enfin elles arrivaient aux régions d’air et de lumière, se redressaient, s’élançaient, montraient presque à la surface leur visage de fleurs, où le mouvement de l’onde passait encore légèrement comme un frisson. Il s’en fallait de peu, de bien peu, pour qu’elles s’épanouissent. Ce fut l’œuvre d’une heure d’amour et de soleil.

— Si vous vouliez, disait un soir M. Rivals aux deux enfants, nous irions tous ensemble demain faire les vendanges au Coudray. Le fermier m’a proposé de nous envoyer sa carriole. Vous vous en iriez tous les deux dès le matin, et moi je vous rejoindrais pour le dîner.

Ils acceptèrent avec joie. On partit par un beau matin de la fin d’octobre dans un brouillard léger qui semblait s’enlever à chaque tour de roue de la voiture, monter ainsi qu’une gaze, en découvrant un paysage adorable. Sur les champs moissonnés, sur les javelles dorées, sur les plantes maigres, dernier effort de la saison, de longs fils soyeux et blancs flottaient, s’attachaient, traînaient comme des parcelles du brouillard remontant. Cela faisait une nappe d’argent filé tout le long