Page:Daudet - Jack, II.djvu/178

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de ces plates étendues que l’automne empreint de tant de grandeur et de solennité. La rivière coulait au bas du grand chemin, bordée de domaines anciens et d’énormes massifs d’arbres rougis par l’été disparu. Une fraîcheur répandue, la légèreté de l’air aidaient à la bonne humeur des voyageurs secoués sur les rudes banquettes, les pieds dans de la paille, et se retenant des deux mains aux côtés de la carriole. Une des filles du fermier conduisait un petit âne gris et têtu qui secouait ses longues oreilles, harcelé par les guêpes très nombreuses à cette époque de l’année où la récolte des fruits éparpille dans l’air de si doux parfums.

Et l’on trottait, l’on trottait. Étiolles, Soisy défilaient de chaque côté de la route avec ces hasards de point de vue qui sont les bonheurs du voyage. Le pont de Corbeil traversé, à quelques kilomètres de la petite ville, en suivant le bord de l’eau, on entra en pleine vendange.

Sur les coteaux descendant à la Seine, une nuée de travailleurs s’était abattue, cueillant, défeuillant avec ce bruit de grêle que font les vers à soie dans leurs branches de mûriers. Jack et Cécile saisirent chacun un panier d’osier et à l’aventure coururent au travail. Oh ! le joli endroit, le rustique paysage entrevu parmi les ceps, la Seine étroite, tournante, pittoresque, pleine d’îlots toujours verts, quelque chose comme une miniature du Rhin près de Bâle, la chute d’un barrage non loin de là avec son bruit d’eau, ses tourbil-