Page:Daudet - Jack, II.djvu/234

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sitôt le soleil levé, s’abrite d’un grand rideau rouge, à cause de la cruelle réverbération du zinc. Tous ces logis de pauvres s’ouvrent sur le revers d’une énorme maison, sur ce côté où tournent les étages, où s’écoutent les eaux ménagères, où serpentent les lézardes de la bâtisse, les conduits de ses cheminées. C’est noir, c’est laid. Mais l’étudiant ne s’en attriste pas. Une seule chose le touche, c’est d’entendre la voix d’une vieille femme jetant chaque jour et sur le même ton dans l’air matinal encore vide des bruits de la rue, cette phrase toujours semblable et navrante comme une plainte : « Les personnes qui sont à la campagne d’un temps pareil doivent être bien heureuses. » À qui dit-elle cela, la pauvre vieille ? À personne, à tout le monde, à elle-même, peut-être au serin dont elle accroche à sa persienne la cage parée de verdure fraîche, peut-être aux pots de fleurs alignés devant sa croisée. Jack est bien de son avis, et volontiers il formulerait avec elle son regret lamentable ; car sa première pensée s’en va toujours, courageuse et tendre, vers une tranquille rue de village, vers la petite porte verte où ces mots sont tracés sur une plaque : « Sonnette du médecin. » Or, pendant qu’il est là, rêvant, oubliant une minute sa besogne enragée, le frôlement d’une robe de soie se fait entendre dans le couloir, la clef tourmente la serrure.

— À droite, dit Bélisaire, en train de faire le café.

La clef tourne à gauche.

— À droite, donc.