Page:Daudet - Jack, II.djvu/233

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porteuse. Encore une coche, encore une dette, et des heures de travail engagées bien avant d’être accomplies. N’importe ! aucun moment de la journée ne donnera la sensation de celui-ci. C’est le réveil avec son appétit immédiat, son instinct animal, la bouche ouverte aussitôt que les yeux. Aussi, à l’appel de madame Weber, qui monte, qui descend, qu’on peut suivre à tous les étages, la maison s’éveille, des portes battent, des dégringolades joyeuses retentissent par les escaliers, les enfants poussent des cris de triomphe et remontent en portant dans leurs bras une miche plus grosse qu’eux, avec ce mouvement d’Harpagon serrant sa cassette, que vous verrez à tous les pauvres gens sortant de chez le boulanger, et qui donne une fière idée de ce que c’est que le pain.

Bientôt tout le monde est sur pied. En face de Jack, de l’autre côté de la fabrique, des fenêtres s’ouvrent, des quantités de fenêtres, toutes celles dont il aperçoit la lumière à la nuit et qui lui laissent voir à cette heure le mystère de cette pauvreté laborieuse. À l’une, une femme triste vient s’asseoir, manœuvrant une machine à coudre, aidée de sa fillette, qui lui tend un à un les morceaux d’étoffe. À l’autre, une jeune fille, déjà coiffée, sans doute quelque employée de magasin, se penche pour couper le pain de son mince déjeuner, de peur de répandre des miettes dans sa chambre balayée à l’aube. Plus loin, c’est un châssis de mansarde où bat un petit miroir suspendu, et qui,