Page:Daudet - Jack, II.djvu/243

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— Mais ce n’est pas tout, mon Jack… Tu n’as pas vu ce pâté. Je suis allée le chercher place de la Bourse, à un endroit que je connais, où on les vend quinze sous de moins que partout ailleurs. Par exemple, c’est loin. En revenant, je n’en pouvais plus. J’ai été obligée de prendre une voiture.

C’était elle tout entière. Une voiture de deux francs pour économiser quinze sous ! Du reste, on voyait qu’elle connaissait les bons endroits. Les petits pains venaient de la boulangerie Viennoise, le café et le dessert du Palais-Royal.

Jack l’écoutait avec stupeur. Elle s’en aperçut, et naïvement demanda :

— J’ai peut-être un peu trop dépensé, n’est-ce pas ?

— Mais… non.

— Si, si, je le vois bien à ton air. Mais que veux-tu ? Ça manquait d’un tas de choses ici ; et puis on ne se retrouve pas tous les jours. D’ailleurs, tu vas voir si je suis disposée à être raisonnable…

Elle tira de la commode un long cahier vert qu’elle agita d’un air triomphant.

— Regarde-moi ce beau livre de dépense que j’ai acheté chez madame Lévêque.

— Lévêque, Levindré !… Ah çà ! tu connais donc tout le monde dans le quartier ?

— Dam ! oui, Lévêque, le papetier d’à côté. Une bonne vieille dame qui tient aussi un cabinet de lecture. C’est très commode, car enfin il faut suivre le