sourire : « Oh ! que c’est gentil, que c’est gentil ! disait-elle tout le temps ; comme vous devez être mignons tous les deux ! ça fait penser à Paul et Virginie. » Mais ce qui la frappait surtout, c’était ce que l’histoire de Cécile avait d’imprévu, de compliqué, d’anormal. Elle interrompait Jack à chaque instant : « Tu sais que c’est un roman, un vrai roman… On en ferait une machine épatante. » « Machine, épatante, » elle avait comme cela une foule de mots rapportés du milieu intellectuel. Heureusement qu’il y a des grâces d’état pour les amoureux parlant de leur passion, et que dans les réponses qu’on leur fait, ils n’écoutent en général que l’écho de leur propre parole. Jack savourait tous ses bons souvenirs, ses transes passées, ses projets, ses rêves, sans entendre les interruptions saugrenues de sa mère, sans s’apercevoir que pour elle toute cette histoire se résumait en une impression banale comme un refrain de romance, et légèrement apitoyée sur les naïvetés bêtasses de deux petits amoureux si innocents.
Page:Daudet - Jack, II.djvu/247
Apparence