Page:Daudet - Jack, II.djvu/254

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tres noces, repues ou établies autour de ripailles en plein air, dispersaient sur la verdure des pelouses des parures blanches, des vêtements noirs, des uniformes ; il y a toujours en effet, dans ces sortes de fêtes, un collégien, un militaire, quelque caserné en tunique. Tout ce monde riait, chantait, s’amusait, bâfrait, avec des cris, des poursuites, des rondes et des quadrilles autour des orgues de Barbarie. Les hommes avaient mis des chapeaux de femmes, les femmes des chapeaux d’hommes. On apercevait derrière les haies des parties de colin-maillard en bras de chemises, des couples qui s’embrassaient, ou quelque demoiselle d’honneur rajustant autour de la mariée des volants décousus de sa robe. Oh ! ces robes blanches, empesées et bleuâtres, de quel cœur ces pauvres filles les laissaient traîner sur les pelouses en se figurant être pour un jour des dames élégantes. C’est cela surtout que le peuple recherche dans ses plaisirs, une illusion de richesse, passer de sa condition sociale dans celle des enviés et des heureux de la terre !

Le camelot et sa noce se promenaient mélancoliquement parmi la poussière et le bruit de cette kermesse hyménéenne, se bourraient de biscuits et de croquets en attendant le festin si désiré. Certes, les éléments de gaieté ne leur manquaient pas, on allait en juger tout à l’heure, mais pour le moment la faim paralysait toute expansion. Enfin, un des membres de la tribu Bélisaire, envoyé en éclaireur, vint annoncer