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Page:Daudet - Jack, II.djvu/264

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motée. C’était fini ! Les convives se regardèrent consternés. Au-dessus d’eux, autour d’eux, retentissait une bacchanale effroyable. On dansait, on chantait, les planchers étaient secoués en mesure, fortement. « Et si nous dansions, nous aussi ! » Oui, mais cela coûte cher, la musique. Quelqu’un proposa de se servir de celle qui venait de tous côtés. Malheureusement les quadrilles, les polkas, les varsoviennes, les schottish mêlaient si bien leurs élans dans ce tumulte de violons et de pistons, qu’il était impossible de s’y reconnaître.

— Ah ! si l’on avait un piano ! soupirait Ida de Barancy faisant voltiger ses doigts sur tous les meubles comme si elle avait su jouer. Madame Bélisaire aurait bien voulu danser également, mais elle avait défendu à son mari toute dépense supplémentaire, ce qui n’empêcha pas le camelot de disparaître un moment avec son Camarade et de revenir cinq minutes après, accompagné d’une espèce de ménétrier de village qui s’installa sur une petite estrade improvisée, un litre entre ses jambes, son violon solidement appuyé sur son bras, et en avant la musique, jusqu’à demain matin, si vous voulez ! Ce violoneux rustique qui criait : « En place pour la pastourelle » avec un fort accent berrichon, la précaution que prenaient les femmes d’entourer leur taille d’un mouchoir enroulé pour la préserver des mains des danseurs, les pas de bourrées que madame Bélisaire mêlait à toutes les