Page:Daudet - Jack, II.djvu/265

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figures du quadrille, mettaient dans le salon de guinguette à rosaces d’or un parfum de fête champêtre. C’était bien la banlieue, cette ligne intermédiaire où les traditions campagnardes et les mœurs parisiennes se rencontrent en se confondant. Seule, Ida avec son Jack semblait égarée, tombée de quelque région supérieure dans le bas-fonds populaire ; et encore elle s’y plaisait trop pour ne pas donner à penser qu’elle retrouvait là, malgré ses prétentions nobiliaires, quelques vestiges d’une existence antérieure, quelque regain de jeunesse dû à de lointains souvenirs. Elle riait, se démenait, organisait des rondes, des boulangères, des quadrilles croisés, un cotillon ; et le frou-frou de sa robe de soie, le cliquetis de ses bracelets, laissaient dans l’âme des assistants une impression profonde d’admiration ou de jalousie.

La noce de Bélisaire était donc très gaie. Le marié lui-même, heureux d’utiliser ses pieds neufs, brouillait avec enthousiasme toutes les figures de la contre-danse. Dans les salons voisins on écoutait, on disait : « Comme ils s’amusent ! » On venait les regarder à la porte entr’ouverte à tous moments par les garçons qui circulaient avec des saladiers de vin sucré. Bientôt, comme il arrive toujours dans ces fêtes, des intrus commencèrent à se glisser parmi les invités, dont le nombre s’augmentait d’une manière insolite. Toute cette cohue sautait, criait, buvait surtout prodigieusement, et madame Bélisaire eût été très inquiète si