Page:Daudet - Jack, II.djvu/278

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myriades de petites étoiles blanches, et la respira longuement, les yeux fermés, assise sur les marches du seuil.

— Qu’est-ce que tu as ? lui demanda Jack qui, très inquiet, la cherchait depuis un moment.

Elle répondit, la figure inondée de larmes :

— Ce n’est rien… Un peu d’émotion… J’ai tant de choses enterrées là.

Le fait est qu’avec sa mélancolie silencieuse, son inscription latine au-dessus de la porte, la petite maison ressemblait à un tombeau. Elle essuya ses yeux, mais ce fut fini de sa gaieté jusqu’au soir. En vain Cécile, à qui l’on avait dit que madame d’Argenton était séparée de son mari, essaya-t-elle d’effacer par des tendresses cette impression pénible ; en vain Jack chercha-t-il à l’intéresser à tous ses beaux projets d’avenir pour la distraire des années écoulées.

— Vois-tu, mon enfant, lui disait-elle en revenant le soir vers la gare d’Évry, je ne t’accompagnerai pas souvent ici. J’ai trop souffert ; la blessure est trop récente.

Sa voix tremblait en parlant. Ainsi, après tout ce que cet homme lui avait fait, les humiliations, les outrages qu’elle avait subis près de lui, elle l’aimait encore.

Ida passa plusieurs dimanches sans venir à Étiolles ; et dès lors Jack dut partager son jour de vacances, en donner la moitié à Cécile, mais renoncer au meilleur de leurs entrevues, aux courses en forêt,