Page:Daudet - Jack, II.djvu/297

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au bras l’un de l’autre, tourner le coin de la rue des Panoyaux. Que pouvaient-ils bien avoir à faire dans ce quartier perdu, si loin de la Revue et du quai des Augustins ?

— Personne n’est venu ?… demanda-t-il au concierge, et à la façon dont on lui répondit, il sentit qu’on le trompait, qu’il y avait déjà quelque complot organisé contre lui. Le dimanche d’après, en revenant d’Étiolles, il trouva sa mère si complétement abîmée dans sa lecture, qu’elle ne l’avait pas entendu monter. Il n’aurait pas pris garde à ce détail, étant dès longtemps habitué à sa manie des romans ; mais Ida fit disparaître trop vite la brochure ouverte sur ses genoux.

— Tu m’as fait peur… dit-elle en même temps, exagérant à dessein son émotion pour détourner l’attention de Jack.

— Qu’est-ce que tu lisais donc là ?

— Oh ! rien, des niaiseries… Comment vont nos amis, le docteur, Cécile ? L’as-tu bien embrassée pour moi, cette chère petite ?

Mais à mesure qu’elle parlait, une rougeur lui envahissait le front sous sa peau transparente et fine ; car c’était une des particularités de cette nature d’enfant d’être aussi prompte au mensonge que maladroite à mentir. Gênée par ce regard qui ne la quittait pas, elle se leva, agacée :

— Tu veux savoir ce que je lis… tiens, regarde.