Page:Daudet - Jack, II.djvu/342

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— Surtout ramène-la avec toi, pour être sûr qu’elle viendra… De revoir sa mère, cela lui fera du bien à ce malheureux. Il n’en parle jamais. Il est si fier… Mais je parie bien qu’il y pense.

Bélisaire ne la ramenait pas. Aussi était-il désolé en revenant, et inquiet de l’accueil qu’il allait recevoir. Madame Bélisaire, son enfant endormi sur les genoux, causait à voix basse avec madame Levindré devant un feu maigre et triste, ce que le peuple appelle un « feu de veuve, » tout en écoutant vers l’alcôve la respiration pénible de Jack et l’horrible toux qui l’étranglait. On n’eût jamais reconnu dans cette pièce démeublée et lugubre la mansarde claire, ouvrant sur la cour, où le travail chantait dès le matin comme une alouette parisienne. Plus de traces de livres ni d’études. Rien qu’un pot de tisane fumant sur la cheminée, emplissant la chambre de cet air composé, vague et lourd qui flotte autour de la maladie. Là dedans des chuchotements, un bruit de pincettes, et le pas de Bélisaire qui rentrait.

— Tout seul ?… demanda la porteuse de pains.

Il raconta à voix basse qu’on ne lui avait pas laissé voir la mère de Jack, que les grosses moustaches ne lui avaient pas permis d’entrer.

— En voilà des gueux !… Mais tu n’as donc pas de sang dans les veines… Je te reconnais bien là avec tes peurs… Il fallait le pousser, entrer de force, et crier à cette gueuse : Madame, votre enfant va mourir.