Page:Daudet - Jack, II.djvu/350

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siéreux et durs à ces fiévreux, à ces mourants, repoussée de chacun et continuant sa tournée silencieuse. Enfin la porte s’ouvrit et un petit homme nerveux et sec parut.

Le médecin !

Un silence profond se fit aussitôt sur les bancs, où les toux redoublèrent, où les mines s’allongèrent encore. Tout en se dégourdissant les doigts à la plaque du poêle, le docteur inspectait les malades autour de lui, de ce regard du savant, scrutateur et ferme, qui inquiète les ivrognes et les impurs. Ensuite il commença le tour de la salle, suivi du garçon qui délivrait les billets d’entrée aux différents hôpitaux. Quelle joie pour ces malheureux quand on les déclarait bons pour l’hospice ! Quel désappointement, quelles supplications lorsqu’on leur signifiait qu’ils n’étaient pas assez malades ! L’examen était sommaire et un peu brutal, parce qu’il y avait beaucoup de monde et que les pauvres gens ne tarissaient pas sur leurs maux, les rattachant à toutes sortes d’histoires, d’anecdotes dont le médecin n’avait que faire. On ne se figure pas l’ignorance, l’hébêtement, l’innocence de ce peuple, embarrassé même pour un nom, pour une adresse à donner, ayant toujours peur de se compromettre, et dont la timidité divague ensuite sur des riens indifférents.

— Et vous, madame, qu’est-ce que vous avez ? demande le médecin à une femme flanquée d’un enfant d’une douzaine d’années.