Page:Daudet - Jack, II.djvu/70

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de wagon, et l’embarras de la visite qu’elle allait faire. Cela joint au noir dont elle s’entourait comme d’une coquetterie à sa fraîcheur de pêche, rendait à sa beauté une distinction dès longtemps oubliée par la ménagère garde-malade des Aulnettes. D’Argenton le pontife était troublé, inquiet, très malheureux. Ce n’était pas la jalousie d’Othello qui affole et qui tue, mais cette gêne énervante qui rend maladroit et bête. Il commençait à se repentir de l’avoir accompagnée, se sentait stupide, embarrassé du rôle original qu’il jouait. Il s’en voulait surtout de l’avoir laissée venir.

La vue du château acheva de le décontenancer. Quand Charlotte lui dit : « C’est là ! » quand il aperçut, parmi les arbres, les broderies d’un bijou de la Renaissance, avec terrasse, pont levis jetés sur une rivière ombragée et couverte l’été, mais visible à cette époque de l’année où les paysages grêles s’estompent d’un peu de vert, il s’accusa en lui-même d’étourderie, de folie, d’imprudence. Évidemment, une fois rentrée là, elle n’en sortirait plus.

Il ne savait pas encore jusqu’à quel point il était ancré dans le cœur de cette femme et que tous les trésors du monde n’auraient jamais le pouvoir de la tenter auprès de lui.

— Est-ce qu’il ne va pas descendre ? se demandait Charlotte de plus en plus inquiète. Enfin, au bout de l’avenue, il fit arrêter :