Page:Daudet - Jack, II.djvu/83

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— Le Nantais est à Indret, mon directeur. Je viens de le voir sortir de chez madame Roudic. Il ne doit pas être loin, bien sûr.

— Alors, c’est bon… Cherchez-le vivement et ramenez-le ici… Surtout, ne l’avertissez pas que vous avez vu madame Roudic dans mon cabinet… Il ne faut pas qu’il se doute…

— Compris… dit en clignant de l’œil le perspicace surveillant, qui ne savait le premier mot de ce dont il s’agissait.

Il tourna les talons et sortit.

Derrière lui, ils restèrent sans parler. Appuyée à l’angle du bureau, Clarisse songeait, muette et farouche ; et le bruit laborieux de l’usine, les plaintes, les sifflements de la vapeur, tantôt suppliants ou menaçants ou plaintifs, accompagnaient bien la tempête de son âme. La porte s’ouvrit allègrement.

— Vous m’avez appelé, monsieur le directeur, dit le Nantais d’une voix joyeuse.

La présence de Clarisse, sa pâleur, l’air sévère de son chef…

Il comprit tout.

Elle avait donc tenu parole.

Pendant une minute, sa physionomie hardie et brutale fut bouleversée par un égarement fou, l’égarement de l’homme acculé qui tue pour sortir de l’impasse où il tourne sans trouver d’issue ; mais il chancela sous