Page:Daudet - Jack, II.djvu/87

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Et, en effet, le miracle de vigueur qui l’avait soutenue pendant cette crise étant fini, son indolence naturelle reparaissait dans un tel affaissement de tout son être, elle avait l’air, en s’en allant un peu courbée, d’être si abattue, si exténuée, que le directeur craignit une catastrophe et lui dit avec douceur :

— Allons, madame, un peu de courage. Songez que Roudic va avoir un bien grand chagrin tout à l’heure en lisant cette lettre, que ce sera pour lui un coup terrible. Il ne faut pas l’accabler d’un autre malheur plus grand encore et irréparable.

— C’est bien ce que je pense, dit-elle ; et elle sortit lentement.

Ce fut effectivement un vrai désespoir pour le brave Roudic d’apprendre du directeur même la faute de son neveu. Il fallut tous les transports de joie de Zénaïde retrouvant sa dot, faisant sauter sa cassette, pour calmer un peu dans le cœur de ce brave homme l’étonnement douloureux qu’éprouvent les honnêtes natures devant l’infamie et l’ingratitude. Son premier mot fut : « Ma femme l’aimait tant ! » Et ceux qui l’entendirent se sentirent rougir pour lui de sa cruelle naïveté.

Et l’Aztec ? Ah ! le pauvre Aztec eut son jour de gloire. On afficha à toutes les portes des halles un ordre du directeur proclamant bien haut son innocence. Il fut entouré, fêté ; et vous pensez si chez les Roudic on lui en fit des excuses, et des réparations