Page:Daudet - Jack, II.djvu/86

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que si vous ne signez pas, je fais arrêter immédiatement cette femme…

Le Nantais signa sans rien dire. Le directeur se leva.

— À présent, vous pouvez partir… Allez à Guérigny, si vous voulez, et tâchez de vous bien conduire. En tout cas, rappelez-vous que si j’apprends qu’on vous a vu rôder aux environs d’Indret, les gendarmes mettront la main sur vous comme sur un voleur. Votre lettre les y autorise…

Le Nantais ébaucha un salut, jeta en passant un regard à Clarisse. Mais le charme était rompu. Elle détourna doucement la tête, bien décidée à ne plus le revoir, à conserver intacte dans sa conscience et son remords l’image affreuse qu’elle avait gardée du voleur infâme de l’autre nuit. Dès qu’il fut sorti, madame Roudic s’approcha du directeur, en joignant les mains avec une expression reconnaissante.

— Ne me remerciez pas, madame. C’est pour votre mari, c’est pour épargner à cet honnête homme la plus horrible des tortures que j’ai agi ainsi.

— C’est aussi pour mon mari que je vous remercie, monsieur… Je ne pense qu’à lui, et le sacrifice que je vais lui faire en est la preuve.

— Quel sacrifice ?

— Celui de vivre, quand ce serait si bon de mourir, de dormir pour toujours… Tout était prêt, arrêté dans mon esprit. Il faut que ce soit pour Roudic, allez ! J’ai tant besoin de repos, je suis si lasse.