Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

noyé de menues pratiques. Aucune distraction que les exercices du dimanche au temple, ou, l’hiver, quand il pleuvait, – et il pleut souvent à Lyon, – un culte de famille dans le grand salon qu’on n’ouvrait que ce jour-là et qui réunissait, sur ses meubles garnis de housses, le père, la tante, l’institutrice anglaise, les domestiques.

Longuement, la tante nasillait prières et lectures, tandis que le père écoutait, une main sur les yeux, comme absorbé dans la contemplation divine, en réalité pensant au mouvement boursier de ses soies, et que Jeanne, déjà sérieuse, s’assombrissait dans les idées de mort, de châtiment, de péché originel, ne levant les yeux de son recueil chrétien que pour apercevoir, derrière les vitres ruisselantes, le grand Rhône blafard et violent, vagué et troublé comme une mer après l’orage.

Cette éducation rendit très difficile pour l’enfant le moment de la croissance. Elle devint chétive, nerveuse ; et l’on ordonna des voyages de montagne, des séjours dans l’Engadine, à Montreux, près de Genève, ou dans une de ces vertes stations reflétées par la tristesse fermée,