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Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/101

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le noir de gouffre du lac des Quatre-Cantons. On s’installa, une saison, et quand Jeanne avait dix-huit ans, à Grindelwald, dans les Alpes Bernoises, un petit village de guides, sur un plateau, au pied du Wetterhorn, du Silberhorn, de la Junfgrau, dont la fine corne éblouissante s’aperçoit entre une multitude de pics neigeux et de glaciers.

On vient là en excursion pour déjeuner, prendre un guide, des chevaux ; et tout le jour, sur l’unique ruelle en montée, c’est un tumulte, un encombrement, des arrivées et des départs de touristes, l’alpenstock à la main, ou formant de longues caravanes qui disparaissent par les sentiers tournants, cadencées au pas lent des bêtes, au pas pesant des porteurs, avec des flottements de voiles bleus entre les haies. La tante Châtelus découvrit pourtant au fond d’un jardin d’hôtel un chalet disponible, à l’écart du train des ascensionnistes, dans une situation délicieuse, en face d’une forêt de sapins dont les fraîches émanations se confondaient avec l’odeur résineuse des chambres, au bas de neiges éternelles où l’arc-en-ciel se découpait, à certaines heures, en délicatesses de bleu et de rose exquis.