Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/102

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Pas d’autre bruit que le grondement lointain d’un torrent sur les pierres, le bouillonnement de son écume, la cantilène à cinq notes du cor des Alpes en écho parmi les forêts et les roches, ou la sourde détonation d’une avalanche se mêlant au canon que l’on tirait dans une grotte sur la route du petit glacier. Parfois, dans la nuit, la tempête soufflait du Nord, et au matin, sous le ciel éblouissant, une poussière de neige blanchissait légèrement, d’un blanc de dentelle, brodé, transparent, les pentes abruptes, les sapins, les pâturages, pour se fondre au soleil de midi en une foule de petits ruisselets de vif argent dégringolant des hauteurs, se perdant entre les verdures et les pierres, ou formant des chutes avec un lent mouvement d’eau.

Mais ces merveilles de la nature alpestre étaient perdues pour Jeanne et sa tante qui passaient leurs après-midi au rez-de-chaussée du chalet, en compagnie de vieilles piétistes anglaises, genevoises, à organiser des meetings de prières. Les rideaux tirés, les bougies allumées, on chantait des cantiques, on lisait des oraisons, puis chacune de ces dames développait un texte de la Bible aussi subtilement qu’un