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Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/15

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idées, sans changer d’objet, se modifient et s’adoucissent. C’est sûr qu’on a tout fait pour que grand’mère fût heureuse, qu’elle ne manquât de rien jusqu’à son dernier jour. Et quel soulagement en ces minutes effroyables de se sentir entouré de tant de sympathies ! Que de monde au modeste convoi ! La rue en était toute noire. De ses anciennes élèves, Léonie d’Arlot, la baronne Gerspach, Paule et Louise de Lostande, pas une qui ait manqué. Même on a eu ce que les riches n’obtiennent aujourd’hui ni pour or ni pour argent, un discours du pasteur Aussandon, le doyen de la faculté de théologie, Aussandon, le grand orateur de l’Église réformée, et que, depuis quinze ans, Paris n’avait pas entendu. Que c’était beau ce qu’il a dit de la famille, comme il était ému en parlant de cette vaillante grand’mère, s’expatriant, déjà âgée, pour suivre ses enfants, ne pas les quitter d’un jour.

« Oh ! pas d’un chur… » soupire Mme Ebsen, à qui les paroles du pasteur arrachent en souvenir de nouvelles larmes ; et prenant à pleins bras sa grande fille, qui s’est approchée d’elle pour essayer de la calmer, elle l’étreint et crie : «