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Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/200

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eux et s’arrêtant, saisie du changement de leurs voix et de leurs figures ? Le jardin tout autour semblait transformé, lui aussi, agrandi, plus vague, les fenêtres au lointain mourant une à une sous le crépuscule bleu qui montait. Subitement, Lorie se sentit gagné d’une tristesse qui lui laissait à peine la force d’un essai de débat devant la froide résolution d’Éline. Pourtant elle était trop raisonnable pour ne pas comprendre… Il y avait là un scrupule, un cas de conscience… Les enfants étaient catholiques comme leur mère, et ne fût-ce que par respect pour la morte… Elle l’interrompit sèchement :

« Il faut choisir… je ne saurais engager ma vie dans ces conditions, avec des différences de foi, de culte, et la discorde pour l’avenir. – Éline, Éline, quand on s’aime bien, le cœur n’est-il pas au-dessus de tout cela ?

– Il n’y a rien au-dessus de la croyance… »

La nuit était venue, les oiseaux se taisaient dans les arbres ; les passants, devenus plus rares, s’écoulaient au battement lointain de la retraite par l’unique sortie encore libre, pendant qu’à l’horizon la dernière fenêtre s’éteignait. De Lina, Lorie ne voyait plus que deux grands yeux qu’il