Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/219

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Sa situation est connue de tous et le mariage impie qu’elle va faire. On sait que la cure d’âme est commencée, mais que le mal résiste à tous les efforts. Et il faut la douceur de Mme Autheman, sa patience inaltérable pour continuer le traitement devant un tel mauvais vouloir. Anne de Beuil aurait depuis longtemps chassé du temple à coups de fouet de meute cette créature destinée à l’enfer. « Tu veux brûler, Satan, eh ! bien, brûle… » Et c’est aussi l’avis de J.-B. Crouzat.

Éline sent l’hostilité qui l’entoure. Personne ne lui parle, ne daigne s’occuper d’elle autrement que par des regards de colère ou de mépris. Même sous la face muette du sacristain qui sert à table, elle courbe le front, intimidée, comprenant au fond du cœur son infériorité parmi tant de saints personnages.

Et cependant il y a pour elle dans l’oppression de ces longs déjeuners de Port-Sauveur, aux plats de couvent, viande bouillie, légumes à l’eau, pruneaux cuits, dans la solennité de cette immense table aux couverts espacés, quelque chose de grave et de sacré qui l’émeut religieusement, comme si elle assistait, elle indigne, à