Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/229

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chambres, jusqu’au jour où, jugées dignes, Jeanne les baisait au front et les envoyait avec la parole de la Bible : Mon enfant, va, et travaille dans ma vigne.

Et elles allaient, les malheureuses, tombaient dans quelque grand centre manufacturier, Lyon, Lille, Roubaix, là où le péché fait le plus de ravages, où les âmes sont plus noires que la peau des sauvages africains, noires comme les ruelles étroites, le sol charbonneux et les outils de travail. Elles s’installaient en plein faubourg et commençaient l’œuvre de grâce, le jour instruisant les enfants selon l’excellente méthode de P. S., et le soir prêchant la bonne nouvelle. Mais la vigne était dure et rocailleuse, et la vendange n’abondait pas. Presque partout elles parlaient dans le froid des salles vides ou devaient supporter la raillerie des ouvriers, grossière jusqu’à l’outrage, s’aggravant encore des taquineries de l’administration dont l’influence des Autheman, à cette distance de Paris, ne les défendait pas toujours.

Sans se décourager, elles jetaient le parole divine au hasard du mauvis terrain, pleines de confiance, car il est écrit que dans l’âme la moins