Aller au contenu

Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/307

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

petit préau rectangulaire, moins triste et moins froid que l’implacable égoïsme humain. Eh ! oui, cette idée de remonter la côte avec ses vieilles jambes l’épouvantait, surtout la perspective des scènes, des cyclones effroyables que lui vaudrait dans son intérieur le coup d’audace qu’il méditait après sa visite aux Autheman. Mais quelle défaite donner à la pauvre mère ? Elle était venue à lui si confiante, n’ayant d’autre appui que le sien dans la platitude universelle. Et voilà qu’il se dérobait comme les autres, obligé de fuir cette grande douleur ou de la leurrer de promesses vagues et menteuses : « Attendez… ce n’est qu’une crise… Dieu ne permettra pas… » Ah ! le brave doyen des hypocrites et des lâches.

Dès ce jour, plus de repos ni d’heureux travail en haut de la côte pour le vieil Aussandon. Le remords, ce gêneur sinistre, s’installait à sa table, le suivait partout, remontant avec lui le sordide faubourg Saint-Jacques, l’attendant au coin du boulevard Arago à la sortie de ses cours ; et même, le pasteur n’osait plus venir dans son jardin, quoique ce fût le temps des semailles nouvelles, parce que là son remords prenait une forme visible, la figure pâle, les yeux rougis de