Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/315

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avait longtemps égayé et où s’amassaient maintenant l’ombre et l’oubli, tout ce qui suit la mort et les départs.

Seule dans la journée, Mme Ebsen ne restait pas chez elle ; et sitôt son petit ménage fini, elle s’échappait, allait voir quelques amis, ses anciennes verdures du dimanche, dont la placidité ne se laissait pas d’entendre raconter l’enlèvement et les fèves de Saint-Ignace. Puis, toujours tourmentée de cette agitation qui accompagne l’idée fixe, comme si le corps se chargeait de rétablir l’équilibre normal de l’être, elle partait au hasard à travers les rues, devenait un de ces innombrables errants de la flânerie parisienne qui s’arrêtent à tous les attroupements, à toutes les devantures, s’accoudent aux parapets des ponts, avec le même regard indifférent pour l’eau qui coule, l’omnibus renversé, l’étalage des modes nouvelles. Qui sait combien d’inventeurs, de poètes, de passionnés, de criminels ou de fous parmi ces gens qui vont ainsi devant eux pour fuir le remords ou suivre la chimère ! Somnambules d’une idée, solitaires dans les plus grandes foules, ces flâneurs-là sont les plus occupés des hommes, et rien ne les