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Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/316

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distrait, ni le nuage qu’ils fixent, ni le passant coudoyé, ni le livre feuilleté les yeux ailleurs.

Dans ses courses errantes à travers Paris, Mme Ebsen revenait toujours au même point, l’hôtel Autheman où elle avait d’abord essayé de s’introduire, de quêter quelques renseignements des domestiques. Mais il lui manquait, pour éclaircir l’impassibilité de ces faces de mercenaires, l’indispensable reflet du pourboire. Maintenant elle se contentait de rôder, attirée par un instinct, même avec la certitude que sa fille n’était plus en France ; et s’installant pendant des heures le long de la palissade d’un terrain vague qui faisait face à l’hôtel, elle regardait, tout au fond de la cour, les hautes murailles noires, les fenêtres inégales dans leurs chapiteaux sculptés. Des voitures stationnaient à la porte ; du monde entrait, sortait, des portefeuilles à chaînes d’acier, des dos chargés de sacs d’écus. Sur le grand perron s’attardaient des figures graves. Tout cela sans embarras, sans bruit ; rien qu’un tintement doux et continuel d’argent manié, un murmure argentin, voilé, comme d’une source invisible, inoffensive, qui s’alimentait du matin au soir, se répandait dans Paris, la