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Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/332

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couvre Paris d’affiches gigantesques, apposte au bord de nos trottoirs des jeunes filles vêtues de knickerbocker et distribuant la réclame pour Jésus feuille à feuille.

Et tout à coup, avec un geste large et superbe qui veut dépasser la chaire et le temple, déchirer les pierres de la voûte et le mystère des nuées :

« Dieu bon, Dieu de charité, de pitié, de justice, pasteur d’hommes et d’étoiles, vois quelle caricature ils font de ta divinité travestie sur leur image. Quoique tu les aies reniés et maudits du haut de ton Sermon sur la montagne, l’orgueil des faux prophètes et des marchands de miracles commet toujours des crimes en ton nom. Leurs mensonges enveloppent d’un brouillard ta religion de lumière. C’est pourquoi ton vieux pasteur, chargé d’ans et déjà rentré dans la nuit où l’on se recueille et se tait, remonte en chaire aujourd’hui pour dénoncer ces attentats à la conscience chrétienne et faire entendre à nouveau ta malédiction : Retirez-vous de moi, je ne vous ai jamais connus. »

Les paroles du pasteur tombent dans ce silence attentif et saisi qui est l’applaudissement des