Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/35

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et l’hôpital ; – très fière avec cela de servir quelqu’un du gouvernement, un maître en habit brodé et chapeau à claque.

De cet air aisé, solide, qu’elle avait de faire toute chose, Sylvanire se débrouilla de ce grand voyage compliqué d’une liquidation plus difficile que Lorie ne l’imaginait, car les économies de la bonne y passèrent. À la sortie du wagon, quand elle émergea de la foule, tenant par la main les deux orphelins dans leur deuil tout neuf, il y eut un moment de grande émotion, un de ces poignants petits drames comme il s’en agite à toute heure dans les gares, parmi le fracas des brouettes, les bousculades du factage et de la douane. On veut se tenir devant le monde, surtout quand on a une belle paire de favoris à la Chemineau ; on affecte de s’occuper des détails matériels ; mais les larmes coulent tout de même, mouillent les mots les plus banals.

« Et les bagages ? » demandait Lorie à Sylvanire en sanglotant ; et Sylvanire, encore plus émue, répondait qu’il y en avait trop, que Romain les enverrait par la pe… e… tite vite… e… sse. – « Oh ! alors, si… c’est Romain… » Il voulait dire : « ce sera certainement très bien fait… »