Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/352

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de la libre-pensée dont il suivait les rites, le formulaire et touchait la prébende : de bons déjeuners aux frais des parents, des indemnités de route ; car Magnabos voyageait pour l’oraison funèbre, jusqu’à Poissy, Mantes, Vernon. Ah ! si les libres-penseurs avaient su le vrai métier de leur pontife, peintre d’emblèmes religieux et passant en couleur toute cette statuaire en carton pierre qui s’étale aux devantures cléricales des rues Bonaparte et Saint-Sulpice ! Il faut vivre, que voulez-vous ? Puis Magnabos s’occupait si peu de ses « manitous » comme il les appelait. Le vrai décorateur, c’était sa femme, qui savait coucher de mixtion ou d’assiette aussi bien que lui.

Type de l’ouvrière parisienne, au joli visage ravagé par les veilles et d’atroces migraines, qu’exaspérait l’odeur de la résine et des grosses couleurs qu’il fallait employer, Mme Magnabos restait du matin au soir, et quelquefois bien tard dans la nuit, devant une procession de saints et de madones qui arrivaient les yeux morts, les lèvres blanches comme leurs chevelures et leurs draperies, et qu’elle douait de regards bleus en extase, de tuniques variées, avec des auréoles