Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

botte, béret basque, la barbe faite, il cherchait le dénouement d’une pièce en trois actes que les Français lui demandaient pour l’hiver ; titre : Les Apparences, sujet mondain, très dur. Tout écrit, excepté sa dernière scène.

« Eh bien ! cherchons ensemble… » dit-elle gaîment en claquant la longue lanière à manche court et sifflet d’argent dont elle se servait pour rallier sa meute. Mais dès les premiers pas, il parla d’amour, de la tristesse qu’il y aurait pour elle à vivre seule, s’offrit enfin carrément, cyniquement, à la Danjou. La duchesse, redressée d’un fier et vif mouvement de tête, serrait le manche du petit fouet à chiens, prête à cingler l’insolent qui osait la traiter comme une marcheuse derrière un portant d’opéra. Mais l’outrage à sa dignité était un hommage à sa beauté sur le retour, et dans la rougeur subite de ses joues montait autant de plaisir que d’indignation. Lui, pourtant, continuait, la pressait, tâchait de l’éblouir de ses mots à facettes, affectant de traiter la chose moins en affaire de coeur qu’en alliance d’intérêts, en association cérébrale. Un homme comme lui !… une femme comme elle !… À eux deux, ils tiendraient le monde.

« Merci bien, mon cher Danjou, ces beaux raisonnements, je les connais. J’en pleure encore… » et d’un geste hautain, sans réplique, qui montrait