Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/283

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pelles chargées de fonte incandescente, en blocs énormes gouttant du feu comme des quartiers de glace vermeille en train de fondre. Pendant ce temps, la duchesse entraînée, infatigable, ne regardait rien, n’écoutait rien, marchant au bras de Brétigny le père avec qui elle semblait discuter violemment, aussi étrangère aux forges et hauts-fourneaux qu’au poète Ronsard ou à l’orphelinat agricole…

Paul en était là de sa lettre, s’appliquant surtout, pour diminuer les regrets de sa mère, à une peinture férocement ennuyeuse de la vie à Mousseaux cette année, quand un léger coup toqua sa porte. Il pensa au jeune critique, au fils Brétigny, même à Laniboire très agité depuis quelque temps, qui prolongeaient souvent la soirée dans sa chambre, la plus vaste, la plus commode, annexée d’un coquet fumoir, et fut très étonné, ayant ouvert, de voir la longue galerie du premier étage, dans l’irisement de ses vitraux, silencieuse et vide jusqu’au fond, jusqu’à la massive porte de la salle des gardes dont un rayon de lune découpait les sculptures. Il retournait s’asseoir, mais on frappa encore. Cela venait du fumoir qu’une petite porte sous tenture, par un étroit couloir dans l’épaisseur de la tour, mettait en communication avec les appartements de la duchesse. Cet aménagement bien antérieur à la restauration de Mousseaux,