Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/298

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le déjeuner de midi, eut un mouvement de joie, d’orgueil immense, en entendant cette proclamation singulière, promenée de Mousseaux à Onzain sur les deux rives de la Loire par des employés de la maison Vafflard, porteurs de lourdes cloches qu’ils agitaient en marchant, et de hauts chapeaux enguirlandés de crêpes noirs jusqu’à terre. La nouvelle de la mort du duc, déjà ancienne de quatre jours, tombée à Mousseaux comme un coup de fusil dans une compagnie de perdreaux, avait essaimé, dispersé à des plages, des villégiatures imprévues, tous les invités de la seconde série, obligé la duchesse à partir brusquement pour la Corse, ne laissant au château que quelques intimes. Malgré tout, la mélancolie de ces voix, de ces cloches en marche que lui apportait le vent de la Loire par la fenêtre à croisillons de l’escalier, cette lettre de part déclamée d’une royale façon si peu moderne, donnait au fief de Mousseaux un étonnant caractère de grandeur, faisait monter plus haut ses quatre tours et les cimes de ses arbres centenaires. Or, comme tout cela allait lui appartenir, que sa maîtresse en partant l’avait supplié de rester au château pour de graves déterminations à prendre au retour, cette déclamation funèbre lui semblait comme l’annonce de sa mise en possession prochaine… « Priez pour le repos de l’âme… » Enfin, il la tenait, la